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mardi 6 mai 2014

Patrimoine rural en danger

Requiem pour un calvaire
Le patrimoine rural est fait de multiples monuments profanes ou religieux, ouvrages d'art ou modestes loges, fontaines ou mégalithes disséminés dans la campagne et menacés par la désertification, le manque de moyens et aussi, il faut bien le dire,  une certaine indifférence qui condamne plus que tout ces traces du passé, notre mémoire collective. Le cas du calvaire de Kériolet en Laniscat illustre bien cette situation.
Il y a plusieurs années maintenant, la partie sommitale de ce monument  est trouvée à terre par une personne de la commune qui  décide alors de mettre les morceaux sculptés à l'abri (dépôt communal). Le reste de la croix est également stocké dans le même dépôt. Sur la photo, on remarque les restes de  mains et les traces de décollement du corps crucifié qui montrent que cette sculpture était un monobloc de granite, ce qui en fait sa particularité.
Au dos de la croix figure un personnage tenant de sa main droite, les plis de son manteau. Ce personnage est sculpté avec ce qui ressemble à un simple voile sur la tête. Il  correspond probablement à la vierge, personnage féminin le plus représenté sur les calvaires, surtout lorsqu'il s'agit d'un personnage unique, en dehors du Christ, comme c'est le cas ici (interprétation de Jef Philippe). Ce monobloc de granite clair est assez lourd pour avoir basculé de sa colonne octogonale lorsque celle-ci a commencé à bouger. Il est certain que la taille des troncs d'arbres encore visibles aujourd'hui entre les blocs de granite du socle expliquent le démantèlement de la base et l'instabilité qui devait en découler.
La photo montre cette désorganisation de la base du calvaire, à l'origine parfaitement horizontale, et aujourd'hui disloquée par l'action des végétaux encastrés dans les joints entre les blocs de granite.
L'examen des restes du calvaire, aujourd'hui abattu, nous renseigne sur Kériolet, une terre noble sous l'Ancien Régime.
 La colonne du calvaire est brisée dans sa partie centrale. La base à section carrée est sculptée sur les quatre faces.
On trouve un dessin du manoir de Kériolet dans un ouvrage de Frotier de la Messelière. Une interrogation des nobiliaires bretons Briant de Laubrière et Potier de Courcy permet de constater que Keriolet est associé aux Gourdel et Le Gouvello. Jef Philippe était du reste au lycée de Campostal à Rostrenen avec un descendant des Le Gouvello. Cette famille a compté dans ses rangs un mystique célèbre: Pierre de Kériolet (Jef Philippe). Les armes de cette famille sont "d'argent au fer de mulet de gueules, accompagné de trois molettes de même".

Sur cette face de la base du calvaire, on peut voir ce blason couronné non lisible, à cordon externe s'évasant au sommet. D'après la généalogie de la famille à cette époque (XVIIIe), il pourrait s'agir du blason des Gourdel : "de gueules au croissant d'argent accompagné de trois roses de même". Le site: ploeuc-généalogie.over-blog.com, dans "Histoire, Généalogie et Patrimoine à Ploeuc... et ses environs" nous renseigne sur la succession de Gourdel, seigneur de Kériolet en Laniscat. Cette succession de noms figure également aux archives conservées en mairie de Laniscat.



Sur cette face, on peut lire: FAIT dessous FAIRE PAR DA dessous ME, ce qui signifie que le monument a été commandé et érigé par Dame, et la troisième face donne la suite du texte et la date.
On peut lire: DOIRIER, dessous illisible mais sans doute le E final de DOIRIERE (pour Douairière), puis KER et dessous: IOLET  avec dessous la date: 1727.
Ainsi, en 1727, un sculpteur a trempé son pain dans le jus de ce granite pour en faire un monument commandé par la Dame doirière de Kériolet et érigé alors à un carrefour de chemins dont l'un a aujourd'hui disparu. Faut-il laisser disparaître ce témoin d'une autre époque ou tenter de préserver ce qui peut encore l'être? La question est posée, mais plus qu'une affaire de moyens, c'est d'abord une affaire de volonté.

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