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vendredi 12 avril 2019

Le mell beniget ou mel zantel: "maillet béni" en Bretagne

A propos du "mell beniget" ou "mel zantel": le" maillet béni" en Bretagne...
Mel beniget de Caurel en 2018


Que n'a-t-on pas entendu et lu sur cet objet sacré, assimilé à un rite barbare, vestige d'une époque "celtique" décrite par les Romains avec toute la partialité du vainqueur dont l'habitude est de transformer ses adversaires (les druides) en sauvages sanguinaires! Cette image et cette version romaine vont perdurer avec les auteurs du XIXe siècle.
Ainsi pour Joseph Loth, linguiste et historien né à Guémené-sur-Scorff en 1847 (mort à Paris en 1934), "la massue bénie était un instrument servant à abréger la vie des vieillards qui contrariaient leurs héritiers en s'obstinant à vivre, ou encore les inutiles, impotents ou estropiés..."
Le site www.persee.fr fait état des études de M. Aveneau de La Grancière qui fait une description de cet objet particulier: un "boulet de granite" légèrement sphérique de 42cm de circonférence et 3kgs environ, recouvert d'une patine rougeâtre foncée (souvent un indice de chauffe, la chaleur modifiant la teinte de la roche en rouge).
Le "mell" en breton signifie boule, balle et "mel" signifierait plutôt maillet. L'orthographe varie ainsi selon les auteurs: mailh, mael, horz (ou morzh pour "marteau"). Sous le titre  "Traditions et légendes au pays d'Armor. La massue sacrée ou mael beniget", un texte en fait la description dans le Bulletin de l'Association Bretonne, en 1900 (Société Polymathique du Morbihan: P.18).
Chez les auteurs du XIXe siècle, une époque où le religieux s'accomode mal de la persistance de rites associés au paganisme, on trouve le texte à sensations fortes de Cayot-Delandre en 1847. Ce celtomane évoque le site de Mané-Guen en Guénin et l'action des druides qu'il décrit frappant les vieillards "lassés de la vie"! Certains archéologues vont s'intéresser à cet objet comme Zacharie Le Rouzic qui parle du marteau béni de Carnac. M. Mahé de Locmariaquer signale en 1892 l'existence d'un "maillet béni": objet en dolérite de 44cm de circonférence et de 4,1kg. En 1906, une hache en métadolérite conservée à Corseul était empruntée "pour que les agonisants puissent l'embrasser au moment de mourir". Son dernier propriétaire s'est fait enterré avec elle. Des témoignages de ce type existent aussi dans les îles britanniques et semblent démontrer que cet objet à très haute charge symbolique n'avait rien d'un instrument de mort mais beaucoup plus d'un "viatique". L'article paru dans le Télégramme du 25 mars 2012 va dans ce sens. Dans cet article, le "maillet béni" ou "mael beniget" servait à un rituel autour des agonisants. Ce rituel fait encore l'objet de nombreux débats. Et l'auteur d'indiquer: "Il semble que cet objet légendaire soit porteur d'un très ancien symbolisme".


Photo n°1: Adrien Maho. 11/2016.Photo Daniel Giraudon

Sur le site bcd.bzh (L'Ankou en Basse-Bretagne), une photo de Daniel Giraudon (du 11/2016) montre un habitant du village de Saint Adrien, canton de Bourbriac (Monsieur Adrien Maho: photo 1), près de la chapelle Saint Barthélémy, tenant un "mel beniget" dans sa main droite, ce qui donne une idée de sa taille.

Dans les différents textes sur ce sujet, on retrouve souvent des sites du Morbihan comme Locmeltro. Il est question aussi du rite de Caurel pour lequel une description  indique que le "maillet béni" était en bois et gardé dans le creux d'un if du cimetière. On peut donc penser que le mel beniget actuel en granite conservé dans l'église n'est pas le plus ancien de cette paroisse située sur la rive gauche du Blavet, au Nord du lac de Guerlédan.
"Mel beniget" de Caurel conservé dans l'église, photo 2018


Daniel Giraudon, né à Binic, gallésant et bretonnant, ancien professeur à l'UBO, chercheur au CRBC de Brest, Docteur en Ethnologie, Prix Claude Seignolle 2012 pour le livre "Sur les chemins de l'Ankou", livre une interprétation intéressante: Il fait le rapprochement entre l'Ankou et Sucellos, dieu gaulois au maillet, à partir de l'expression bretonne "Morzholig an Ankou" (Le petit marteau de la mort), qui est aussi le nom de la vrillette, cet insecte dont les coups dans le bois sont un intersigne funeste! Ce maillet béni est donc un élément de croyance mais aucun témoignage à ce jour ne l'a mis dans les mains de l'Ankou.
En conclusion et pour résumer les contributions sur ce sujet et en particulier celle de Daniel Giraudon, il s'agissait de mettre fin à la longue agonie d'un moribond en lui posant sur le front (ou en lui faisant embrasser), une pierre ovoïde conservée dans un sanctuaire religieux. Certains ont voulu y voir le souvenir ancien d'une forme d'euthanasie, mais ne s'agirait-il pas plutôt d'un rite de passage destiné à faciliter le départ de l'âme plutôt que d'aider le corps à mourir? On peut aussi se demander si, accompagné du geste, la force de la croyance parmi le peuple ne suffisait pas à produire l'effet souhaité, c'est-à-dire une mort douce, un peu comme l'extrême onction pratiquée par l'église? Il est assez surprenant de voir le degré d'intérêt et l'attention portés encore aujourd'hui à ces objets rares   soigneusement conservés dans les édifices religieux et considérés comme éléments du patrimoine sacré, entrés pleinement dans l'Histoire.

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