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vendredi 11 octobre 2019

Art et pétrographie en Bretagne

Un "kersanton" exceptionnel dans la statuaire de Pleyben, Finistère.

La restauration en cours du grand clocher supporté par le porche sud de l'église de Pleyben offre aux restaurateurs, je veux parler des artistes-sculpteurs qui permettent souvent dans des conditions difficiles de maintenir ces oeuvres pluriséculaires en état, une vision détaillée sur une oeuvre exceptionnelle en kersanton, faciès rosmorduc de Logonna-Daoulas, la statue autrefois polychrome de Saint Germain datée de 1555 et oeuvre de l'atelier Prigent (frères Bastien et Henry Prigent, et ici la "main"de Bastien Prigent semble évidente).
Cette statue de 1m59 de hauteur et située audessus de l'entrée Sud, n'a subi depuis sa création en 1555 aucune altération météorique et le poli du visage de Saint Germain est comparable à celui d'un marbre! Cette oeuvre est avec le Saint Jacques de la fontaine de Tréméven en Côtes d'Armor, ce que j'ai vu de plus exceptionnel dans l'art de la sculpture sur pierre en Bretagne. Cette statue de  Saint Germain provient du premier calvaire de Pleyben, érigé au milieu du XVIe siècle et dont les parties de cette époque forment avec les sculptures de Julien Ozanne (1650), le calvaire que l'on peut voir aujourd'hui, perché sur ses arches qui éloignent les éléments sculptés du visiteur. Encadrant cette statue en parfait état, on observe les deux éléments d'une "annonciation", un ange au phylactère et la vierge en prière, sculptés dans une roche sombre à grain grossier qui interroge sur sa véritable nature pétrographique, tant l'aspect grossièrement grenu tranche avec la finesse du kersanton de la statue de Saint Germain.

Il est en effet possible d'hésiter en présence de roches sombres comme celle de cette "annonciation", entre une monzodiorite et un kersanton de Loperhet (faciès grossier). Ces deux roches ont des minéraux communs comme plagioclase, hornblende, augite, biotite... Mais en général la monzodiorite que l'on trouve dans le finistère Nord comme à Plélauff en Côtes d'Armor, est plus dure que le kersanton et plus difficile à sculpter. Elle est donc très peu utilisée pour la statuaire où le kersanton est préféré. Ces statues dont l'origine est inconnue seraient donc en kersanton de Loperhet (faciès grossier).
Le calvaire de Pleyben associe des sculptures du calvaire antérieur dont le Saint Germain de l'atelier Prigent était une pièce maîtresse, avec les sculptures de Julien Ozanne qui sont postérieures (1650) comme "le lavement des pieds", "la Cène" et "l'Entrée à Jérusalem". Les oeuvres sculptées se répartissent sur plusieurs niveaux en hauteur et sont réalisées dans du kersanton, faciès rosmorduc de Logonna, mais aussi en grès vert de Châteaulin, une roche que l'on trouve dans les murs de la sacristie et dans laquelle on peut observer les effets de l'érosion météorique.
L'absence de carrières ouvertes sur ces roches exceptionnelles de Bretagne pose le problème de la restauration "à l'identique" de ces monuments du patrimoine historique, un sujet sensible abordé par Louis Chauris (CNRS/Brest) dans ses publications sur le sujet.
Sources: "Le Kersanton, une roche bretonne" Louis Chauris.2010. Presses Universitaires de Rennes

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