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lundi 31 mars 2025

Patrimoine de Caurel en Côtes d'Armor

L'étrange calvaire au Nord du bourg de Caurel

Calvaire aux trois têtes sur les hauts de Caurel.
Un article rédigé en octobre 2024 sur ce blog fait mention de cet étrange monument qui se trouve aujourd'hui noyé dans un bois et totalement invisible à plus de 50 mètres de son dernier lieu d'implantation. Pourquoi étrange et pourquoi dernier? Etrange par les trois têtes sculptées sur le socle de la croix et dernier parce que deux dates gravées sur son socle de granite font dire que ce monument se trouvait sans doute en 1783, date gravée sur son socle, à un autre endroit comme un carrefour de routes importantes pour cette paroisse, trève de Saint Mayeux, sa "paroisse mère" reliée à Caurel par un chemin carossable qui coupait sur les hauteurs, les affleurements schisteux Dévoniens où l'on trouve encore aujourd'hui les allées couvertes de Korn coat et de Coat Correc.

Ce serait donc en 1913, deuxième date gravée sur le calvaire, sous le ministère du curé Guyomar que le calvaire aurait été rapproché du bourg. Mais pourquoi ce déplacement?

Peinture d'Emile Simon réalisée durant la guerre
de 1939-1945, représentant ce calvaire. Photo PJ
Une peinture (huile sur toile) réalisée pendant la dernière guerre par le peintre Emile Simon montre le calvaire en question dans un environnement beaucoup moins boisé et un jour où une procession s'avance de l'église vers le calvaire qui domine le paysage dans lequel on reconnait parfaitement le lac de Guerlédan et plus précisément l'entrée dans l'anse de Landroanec.

"Le peintre Emile Simon est né le 20 février 1890 à Rennes.

Il fait ses études à l’Ecole des Beaux-arts de Rennes, puis à l’Ecole des Beaux-arts de Paris dans l’atelier de Fernand Cormon. Il obtient le prix de Rome en 1912.

Après sa mobilisation pendant la Première Guerre mondiale, il tombe gravement malade de la grippe espagnole en 1917. En 1922 il devient professeur à l’École des Beaux-Arts de Nantes dirigée par Emmanuel Fougerat. Peintre de paysages, il expose régulièrement au Salon des Artistes Français, où il reçoit plusieurs prix au cours des années trente.Domicilié à Nantes, Emile Simon parcourt la Bretagne, en particulier le Pays bigouden et le Cap Sizun.

En 1943, il s’installe au manoir de Squividan à Clohars-Fouesnant (Finistère) avec l’artiste-peintre Madeleine Fié-Fieux et son mari. C’est là qu’il décédera le 25 septembre 1976."*

Socle du calvaire à trilogie symbolique. Photo PJ

Interrogé sur ce calvaire, Jef Philippe, bien connu dans le pays pour ses connaissances dans le domaine religieux nous donne cette explication:

" Quant aux figures du socle j'aurais comme hypothèse qu'il s'agit, en traits grossiers, de la trilogie habituelle : à gauche, la Vierge Marie, à droite saint Jean (tenant en main une esquisse de vase sacré, selon l'habitude). Au centre, les cheveux au vent, Marie-Madeleine : traditionnellement on la représente décoiffée car elle était confondue avec un femme qui avait versé des larmes sur les pieds de Jésus en signe de conversion, et les avait ensuite essuyées de ses longs cheveux. Et on la confondait aussi avec la femme adultère amenée devant Jésus, d'où la tendance à la représenter en mondaine...".

Cette trilogie est donc conforme à ce qui peut se voir habituellement et le personnage tête nue du centre n'est pas un ange mais une femme dont la chevelure grossièrement esquissée pouvait passer pour ce que j'avais cru être des ailes d'ange. Il s'agirait donc bien de Marie-Madeleine avec Marie à gauche et Saint Jean à droite...

* Publié le 30/09/2024 par « Saint Guénolé par les champs et par les grèves » 


 

mardi 25 mars 2025

Patrimoine de Maël-Pestivien en Côtes d'Armor

La Chaire des Druides au village de Kerohou en Maël-Pestivien

Dans "la Chaire des Druides" en mars 2025.Photo PJ
Voilà un site perdu dans la campagne de Maël-Pestivien qui ne laisse pas le visiteur de passage indifférent. Sa position en sommet de colline, sa forme globalement circulaire d'une surface de 99,40 ares, limitée par un talus, un fossé ou un ancien chemin, respire une histoire ancienne et sans doute une importance que la tradition orale continue à évoquer par l'appellation du lieu: "la Chaire des Druides."

La Chaire des Druides. Photo PJ

Ce site remarquable est un exemple parfait des conséquences de l'érosion d'un massif granitique (ici un faciès porphyroïde du granite de Quintin) avec "roches à bassin" comme on peut en voir dans la vallée de Pont Croix en Plouguernevel ou à Hacadour en Mellionnec, Gorges du Corong ou de Toul Goulic, chaos du Blavet en aval de Saint Roch en Plounevez-Quintin et j'en passe!

Les formes prises par les blocs de granite sont la conséquence de processus chimiques dont des phénomènes d'hydrolyse (destruction des minéraux par l'eau), d'oxydation (passage du fer ferreux au fer ferrique), d'hydratation (de l'eau pénètre la structure cristalline en détruisant le minéral)  et des processus physiques comme la thermoclastie (dilatation différente selon la couleur des minéraux), la cryoclastie (variation du volume d'eau intersticielle par alternance gel-dégel) et encore  la bioclastie (éclatement ou fragmentation des minéraux par les racines des arbres). Il n'est pas trop difficile d'imaginer l'effet de quatre grandes glaciations du quaternaire en 2 millions et 600.000 ans sur un granite diaclasé, fracturé qui va finir par faire des boules avec altération en "pelures d'oignon".

Altération en boule. Photo PJ
Certaines surfaces de blocs sont creusées en forme de bassines et les creusements en question sont également le résultat des processus chimiques liés à l'acidité d'eaux chargées de végétaux ou à d'autres facteurs pédogénétiques (comme la présence d'anciens sols humiques). Dans un granite, l'élément faible ou le premier affecté par les attaques physicochimiques est le feldspath qui s'hydrate et se désagrège (en argile) en libérant les micas et le quartz qui vont constituer les sables ou arènes granitiques lessivées et évacuées par les pluies.
Bassin dit "de sacrifice" en surface d'un bloc
de granite: La Chaire des Druides

La forme d'un "bassin" qui présente vaguement une forme humaine et qui en a la taille a suscité une interprétation qui consiste à y voir une pierre de sacrifice utilisée donc par les druides comme l'indique le nom de ce lieu étrange. 

On sait aujourd'hui faire la différence entre un façonnage anthropique (lié à la main de l'homme) et un façonnage naturel (c'est même une spécialité d'archéologie, notamment des archéologues néolithiciens), car l'utilisation d'outils, qu'il s'agisse de percuteurs en pierre (comme quartz) ou d'outils métalliques (au temps des druides)ne laisse pas les mêmes indices dans la roche qu'une érosion naturelle.

Colonisation végétale sur bloc
 de granite.Photo PJ


Ceci étant dit ce lieu très particulier libère l'imaginaire et transporte le visiteur dans un voyage intemporel qui crée une toute autre dimension, une porte secrète vers quelque chose comme une suprême hamonie. La Chaire des druides offre cet environnement propice à l'imaginaire sans lequel il ne peut y avoir ce bonheur auquel on aspire. Cet endroit est donc bien un trésor à préserver dans une campagne qui en possède d'autres comme le site du Loc'h (aujourd'hui en Peumerit-Quintin).

Il se trouve que dans cet endroit remarquable et retiré on peut apercevoir un discret "champignon" qui est la "géode Wigwam" du druide Youri Defrance. Son dernier concert à cet endroit se fera en soirée du 3 mai prochain (affiche de l'évènement jointe.)

Affiche de la soirée du 3 mai par
Youri Defrance



mercredi 12 mars 2025

Poème

Soleil couchant

Fin de jour en ciel rouge

Devant moi rien ne bouge

 l'heure contemplative

C'est la vie en attente

Sans la fièvre impatiente

De vivants en dérive...

Soleil couchant. Photo PJ

 Je regarde au Ponant

Le magnifique instant

Où l'astre disparaît

Et repassent en mémoire

D'inoubliables soirs

Disparus à jamais


Parfois vers l'Orient

Un pâle soleil levant

Eclaire la vallée

Vient ouvrir un chapître

Peaufiner son épître

Aux âmes égarées

coucher de soleil en mars 2025. PJ

Qui sont-elles vraiment?

Sereines et méditant

Ces âmes se comprennent

Confiant à Séléné

Les secrets partagés

 l'ombre des fontaines


Voici venu le temps

Où s'effacent les tourments

De saisons sans lumière.

Gravissant les rochers

Jusqu'au fond des vallées

La caresse solaire!


Nous les enracinés

De ces landes dorées

Peuplées de Korrigans

Allons main dans la main

Poursuivre notre destin

En passagers du temps.

jeudi 6 mars 2025

Patrimoine de Rosquelfen en Bon-Repos-sur-Blavet, Côtes d'Armor

 propos d'anciens objets du Culte dans la chapelle de Rosquelfen

"Luminaire à clochette"
, grand modèle

 Dans la chapelle de Rosquelfen restaurée entre 2008 et 2021, il existe encore des objets qui peuvent intriguer le visiteur de passage comme cette lanterne dont l'un des usages pouvait la qualifier de "lanterne des mourants" ou "agonisants"; ne pas confondre avec la "lanterne des morts" en pierre, monument érigé dans un enclos comme à Guégon (Morbihan) et allumé après le décès d'un paroissien. Cette lanterne en métal perforé possède en partie basse un tube permettant d'emboîter une hampe. Elle est équipée d'une clochette et surmontée d'une croix. La présence d'une clochette était réservée à l'accompagnement de l'ostie consacrée ou des "saintes huiles". Une bougie allumée est placée dans le corps de la lampe et le tout est porté par un aide de l'officiant (enfant de choeur, thuriféraire...) qui, dans le cas de "l'extrême onction", l'accompagnait chez un mourant afin de lui administrer les derniers sacrements. Pour celà, le prêtre officiant utilisait une huile bénite nommée également l'huile des malades. Le Concile de Trente, dans un décret de sa 14e session sur l'extrême-onction (25 novembre 1551) donne le sens de ce sacrement: "L'onction nettoie les fautes, s'il en reste à expier".

Luminaire à clochette: petit modèle

Sur ce deuxième modèle, plus petit que le précédent (50cm de hauteur) mais toujours équipé d'une clochette qui annonçait le passage du religieux  avec l'eucharistie ou les "Saintes huiles"vers un mourant de la Trève, une anse permet de la porter en la faisant teinter. Si aujourd'hui, l'extrême onction est toujours pratiquée chez certains croyants, ce rituel avec lanterne mobile que  les anciens d'aujourd'hui n'ont pas vu, a donc cessé bien avant la raréfaction des religieux dans les campagnes. Il a bien été présent jusque la fin du XIXe siècle et sans doute depuis le Moyen-âge.

Il arrive de trouver dans la littérature à ce sujet une raison évoquée pour la disparition de la pratique, par l'effet de "mauvais augure" provoqué par le passage et l'arrivée dans une maison de ce "binôme"inhabituel, annoncé par la lumière de la lanterne et le grelot de la clochette!On imagine bien le curé et son aide traversant le bourg de Rosquelfen à n'importe quelle heure  pour se rendre chez un paroissien agonisant afin de lui donner le dernier sacrement, une rencontre qui informe certes, mais inquiète en même temps!

NB: voir l'article du 7/11/2021 sur la lanterne des morts(?) de St Mayeux ainsi que l'article du 14/10/2020 sur la lanterne des morts de Guégon en Morbihan (sur ce blog).

Références sur ce sujet:

Thesaurus des objets religieux du culte catholique, Paris, 1999 : trilingue anglais, français et italien, l’ouvrage est limité au culte catholique romain, mais issu d’une réflexion plus générale menée sur la lexicologie du patrimoine ; B. Berthod et É. Hardouin-Fugier, Dictionnaire des objets de dévotion dans l’Europe catholique, Paris, 2006 ; B. Berthod, G. Favier et É. Hardouin-Fugier, Dictionnaire des arts

C. Vincent, Fiat Lux : lumière et luminaires dans la vie religieuse du XIIIe au XVIe siècle, Paris, 2004, p. 625 et suiv., références sur la législation canonique et les visites pastorales.


samedi 1 mars 2025

Poème

Au Liscuis

Hiver toujours, morte saison

Besoin absolu de lumière 

Au temps des âmes singulières

Aujourd'hui en déréliction...

Allée couverte néolithique (6000 ans).Photo PJ

Sous un ciel gris et tourmenté

Nos coeurs palpitent à l'unisson

J'entends parfois l'écho des sons

Porté par un vent messager


Le landier aspire au printemps

Les bourgeons tendres donnent la mesure,

Comme une rythmique  de  la césure

Aux mots  révélés dans l' instant...

Chemin sur le Liscuis. Photo PJ

Le regard s'arrête au Liscuis

Lieu sacré aux anciennes tombes

Souvenir conservé dans l'ombre

D'une douce étreinte du temps jadis!


Pour effacer d'anciens tourments

Allons aux sources, vives et sonores

Leur voix liquide résonne encore

Chantre de vie depuis longtemps


Revisitons un jour sans fin

Notre Comté des amours tendres

Sans jamais nous lasser d'attendre

L'épilogue qui viendra demain.