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lundi 13 décembre 2021

Le jubé baladeur de N.D. de la Croix en Plélauff (Côtes d'Armor)

Dans la chapelle Notre Dame de la Croix en Plélauff, un jubé à l'histoire étonnante.

La commune de Plélauff est connue en Kreiz Breizh des amateurs de patrimoine historique,  parce qu'un ancien jubé du XVIe aussi rare qu'original par les peintures et sculptures qui s'y trouvent est encore visible aujourd'hui dans la chapelle N.D. de la Croix, en haut du bourg. Il est classé MH depuis 1938.

Jubé de Plélauff vu côté fidèles
Ce jubé est un élément décoré placé dans la nef d'un édifice religieux pour séparer les fidèles du choeur ou de l'espace où se déroulent les offices. La base de ce jubé est une balustrade ajourée qui se nomme chancel et la partie haute du jubé est constituée par une tribune qui servait de chaire de prêche avant le Concile de Trente (1545-1563)qui va décider la suppression de ces séparations (après 1563). Ici les panneaux qui représentent les 7 péchés capitaux ont été illustrés par des animaux. Ces panneaux ont été restaurés ou refaits au XIXe siècle. Pour en savoir plus, voir le document réalisé par Michel Simon (cité dans les sources). 

Le jubé de ND de La Croix, côté choeur: les vertus!






Côté choeur, on y voit les vertus et des éléments fragmentaires du décor de la tribune qui montre que ce jubé a souffert et on peut dire qu'il revient de loin tant son histoire est étonnante.

Il faut donc savoir que ce jubé n'est installé à l'emplacement actuel que depuis les années 1960, date où il est remisé au fond de la chapelle après avoir séjourné un certain temps dehors, soumis aux intempéries qui ont sans doute partiellement  fait disparaître une partie du décor sculpté du côté choeur qui semble plus abîmé que le côté nef.

Façade sud de Saint Hervé en Gwendol
Mais alors, d'où vient ce jubé si ce n'est pas un élément d'origine dans la chapelle N.D. de la Croix? Il vient de la chapelle de Saint Hervé ou Sant Ahouarnou de Gwendol en Plélauff. Cette chapelle du XVIe, totalement ruinée est encore utilisée au XIXe siècle (Mr Mahéo, 1839) et possède le fameux jubé séparant la nef de la partie choeur. Il se trouve qu'à quelques centimètres près, la largeur de cette chapelle est la même que celle de N.D. de la Croix (environ 7m), ce qui va permettre le transfert de l'une à l'autre. Cette histoire pourrait s'arrêter là mais ce n'est pas le cas. La chapelle de Saint Hervé fait l'objet d'une restauration dans les années 1990-2000. une association est créée pour assurer la sauvegarde du monument, association réactivée en 2021 (président actuel: Alain Le Maître de Gwendol).

Chevet à pans coupés de St Hervé
Les travaux sont dirigés par l'architecte du Patrimoine Léo Goas Straaiger avec l'aide d'Alexis Le Feur, un habitant du village qui décèdera en 2009 mettant ainsi un coup d'arrêt au chantier. Le pignon ouest aura été entièrement démonté puis remonté avant l'arrêt des travaux.
Cette chapelle a une histoire étonnante. On apprend par l'architecte qu'elle ne se trouve pas dans son lieu d'implantation d'origine. Elle a été déplacée au XVIIe siècle de son emplacement primitif qui se situait en bordure du Doré. La confluence du petit et du grand Doré se trouve au nord immédiat de la chapelle qui devait se situer dans un espace comparable à celui de la chapelle de la Pitié, également proche du Doré plus au sud-ouest, le Doré faisant un grand coude à cet endroit. Cette chapelle est donc du XVIe, fondée par les seigneur de Guiller possesseurs de Gwendol et qui donneront deux abbés commandataires à l'abbaye de Bon Repos eu XVIIe siècle. Mais pourquoi elle a été déplacée? Selon l'architecte, parce que des messes noires étaient dites dans l'édifice au XVIe siècle et qu'il fallait donc effacer cette période. Notons au passage que la fin XVIe correspond aux guerres de religion et aux troubles qui l'accompagnent à cette époque. Le jubé qui serait l'oeuvre d'un atelier carhaisien faisait donc partie de cette chapelle extraordinairement "bipolaire" si on regarde son architecture: une nef sans aucune ouverture excepté la porte d'entrée du pignon ouest en anse de panier, un jubé qui coupe l'édifice en deux parties: un côté choeur qui concentre trois grandes verrières tellement grandes qu'elles fragilisent le mur et vont nécessiter une série de contreforts à chaque angle! Puis des vertus sur le jubé! d'un côté les ténèbres et les péchés (côté peuple) et de l'autre la lumière et les vertus (côté clergé). Vision binaire aussi brutale que fausse! (il suffit encore aujourd'hui de voir l'actualité de l'Eglise). Mais cette chapelle est la seule du pays à avoir cette particularité architecturale encore accentuée par son emplacement actuel: un ancien espace d'extraction de la granodiorite à gros grain, la pierre typique de Gwendol, dans une rupture de pente au nord du village et en retrait vers le canal. La tradition orale du pays explique cette position topographique par l'usage de l'édifice qui aurait été réservé à des malades contagieux, expliquant les deux entrées: une au pignon pour les fidèles et l'autre très ornée pour le clergé, les officiants et nobles, le jubé formant limite dans la chapelle.
Entré ornée de la façade sud


La découverte de ce monument richement orné (corniches, larmiers, plinthes moulurées) et unique dans le pays ne fait  donc que recommencer et justifie très certainement un effort de sauvegarde. Un nettoyage du site a déjà eu lieu récemment et les recherches sur l'histoire troublante de cette chapelle vont se poursuivre. Â suivre donc....

Sources: Michel Simon: "Jubé, chancel et poutre de gloire. Chapelle Notre-Dame de la Croix en Plélauff." photos Yves Dewulf. 2021

Mr Mahéo: Société d'Emulation des Côtes-du-Nord (1979), article de 1839

Information orale de Leo Goas Straaiger. Mairie de Plélauff le 22 octobre 2021.

Infobretagne, patrimoine de Plélauff.


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