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mercredi 3 décembre 2025

La pierre tombale ou "Dalle tumulaire" de l'abbaye de Bon-Repos en Saint Gelven (22)

La pierre tombale ou dalle tumulaire de l'abbaye de Bon-Repos en Saint Gelven, Bon-Repos-sur-Blavet.

C'est dans la revue Kaier ar Poher n°36 d'octobre 2025 que Jean-Paul Le Buhan* nous parle de cette magnifique pierre tombale en schiste ardoisier dans un article à lire absolument pour ceux qui s'intéressent au patrimoine local et bien au-delà, aux techniques mises en oeuvre par les bâtisseurs du Moyen-âge.

Dalle tumulaire, abbaye
de Bon-Repos
En effet, cette très belle dalle de schiste est une pierre taillée dans une roche locale qui constitue les crêtes boisées au Nord de l'abbaye (Vallée du Daoulas notamment). Elle a été découverte par les Compagnons de l'abbaye lors du déblaiement et nettoyage des ruines de l'abbatiale, chantier débuté en 1985.
Si l'église abbatiale a été construite en 1214, c'est-à-dire 30 ans après l'acte de fondation (1184) de l'abbaye par le vicomte Alain III de Rohan et son épouse Constance (de la maison de Penthièvre), cette dalle (2m50 x 0,80) a été selon J.P. Le Buhan, estimée de 1330-1380. La méthode de datation n'est pas donnée (une possibilité est la mesure par C14 dans l'unité stratigraphique sur laquelle repose la dalle après vérification archéologique).
La particularité de cette dalle réside dans le fait que les éléments gravés à sa surface n'ont rien d'une représentation religieuse habituelle sur une pierre tombale mais correspondent à l'illustration de la fonction de bâtisseur pour lequel cette dalle a été ornée. Outre la résille carrée de 70 x 70 cm portée par un axe vertical surmontant une élévation en étages ou degrés (figuration du Golgotha selon J.P. Le Buhan), on y voit aussi les outils du bâtisseur de part et d'autre de l'axe porteur. Cette représentation de "l'arbre de vie" portant des fruits est une représentation symbolique antérieure à celle de la crucifixion.
Détails de la dalle tumulaire: les outils

On reconnait à droite le marteau taillant à pointe (plusieurs noms dont le "polka"), au-dessous, un compas à guide, à gauche une règle de 76 cm  et surtout une équerre aux bords divergents. Ce dernier objet est selon J.P.Le Buhan, le signe de la maîtrise professionnelle des bâtisseurs.

La démonstration de géométrie fine de Jean-Paul Le Buhan, passant par le nombre d'or, le triangle d'or, les fonctions multiples de cette équerre aux bords non parallèles (voir Carnet de Villard de Honnecourt), révèle les fonctions multiples allant du façonnage de la pierre à celle des claveaux, de la mise en place et valorisation des ouvertures, des absides aux chapelles...

Ainsi de nombreux monuments témoignent encore aujourd'hui de l'extraordinaire maîtrise technique des bâtisseurs du Moyen-âge: rose de l'abbatiale de Saint Denis (XIIe), rose à rayons de Notre Dame de Paris (XIII et XIVe), etc... Ouvrages perchés à plusieurs dizaines de mètres en hauteur et toujours présents depuis le XIIIe siècle dans de nombreux édifices. Cette extrême précision dans la manière de bâtir a bien du mal à ètre admise lorsque l'on parle des pyramides d'Egypte (bien plus anciennes, il faut le dire) ou des constructions du Machu Picchu ou de Sacsayhuaman au Pérou. Et pourtant ces édifices ne sont ni des réalisations d'extraterrestres(!) ni des moulages(!) Mais pour éviter les pièges et affirmations sans fondement, il faut savoir qu'avec des roches comme l'andésite (à Sacsayhuaman), la texture microlithique rend possible des ajustements millimétrés, façon "puzzle", les bâtisseurs faisant le choix d'emboîter les blocs afin d'éviter la mise en oeuvre d'un liant. Une roche naturelle est toujours identifiable par procédé optique en lumière naturelle ou polarisée, réfléchie ou transmise, une "roche" moulée et donc reconstituée avec un liant est une matière amorphe et isotrope, aucun doute sur cette question!

*:Jean-Paul Le Buhan: Président honoraire de la SEHAG. Titre de l'article ;"La dalle tumulaire aux outils de l'abbaye Notre-Dame-de-Bon-Repos en Saint Gelven (Côtes d'Armor)".

La revue Kaier ar Poher est un périodique publié par le Centre Généalogique et Historique du Poher domicilié à Carhaix, Finistère.

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